RÉSUMÉ

La crise socio-sécuritaire en République Démocratique du Congo s’accentue. Cet article, issu d’une recherche intitulée « La crise socio-sécuritaire en RDC : rôle et actions de la société civile », explore l’évolution de ces acteurs, des Églises aux mouvements citoyens à travers trois périodes charnières.

En croisant archives coloniales (dont les tracts de l’ABAKO des années 1950), rapports de la Conférence Nationale Souveraine (CNS), témoignages de 23 militants recueillis et observation de terrain entre 2022 et 2024, l’analyse révèle d’abord l’héritage anticolonial. Des cercles culturels comme l’ABAKO, décrits par Nzongola-Ntalaja (2002) comme des « machines de guerre politique », ont posé les bases d’une résistance structurée contre l’oppression. Vient ensuite l’âge d’or des années 1990, où la CNS érige la société civile en « pilier de la transition democratique » (Braeckman, 1992). Enfin, le tournant des années 2010 marque un déclin : la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) se transforme en arène partisane, tandis que des OSC comme les mouvements citoyens, après avoir réinventé la contestation, s’essoufflent face à la répression étatique.

Ce paradoxe révèle une fracture générationnelle : si une majorité de Congolais reconnaissent encore à la société civile une légitimité historique, un grand nombre de jeunes particulièrement dans l’Est dénoncent désormais des compromissions avec les forces de violence. Comment des figures emblématiques comme l’abbé Malu Malu, artisan des premières élections libres, ont-elles pu incarner hier l’espoir collectif, alors que les accords de paix récents (Nairobi II, 2022) évacuent les OSC locales, contrairement à l’ère Sun City (2002) où leur parole pesait ? C’est cette énigme que cette recherche cherche à élucider, avec un objectif clair : identifier les voies d’un nouveau souffle pour une société civile congolaise capable de réconcilier héritage glorieux et défis contemporains.